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monsieur fathallah oualalou un grand economiste marocain
20 décembre 2005

article de telquel sur la saga des privatisations incluant Fathallah Oualalou, actuel ministre

Les privatisations ont été lancées en 1993. Depuis le début, le processus mis en place souffre de tares institutionnelles amplifiées par une guerre de clans sans merci. Les privatisations ont toujours été vues comme un grand gâteau à partager.


Vendre, vendre et vendre, c'est le maître mot de l'Etat depuis plus de douze ans. Les privatisations sont une grande fabrique de cash. Depuis 1993, elle a drainé pas moins de 76 milliards de dirhams. Maroc Telecom, à lui seul, a mobilisé plus de 40 milliards de dirhams. Et ce n'est pas fini. Il reste 34% du capital de l'opérateur historique dans le

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giron de l'Etat, qui seront cédés lorsque le partenaire stratégique, Vivendi, le voudra bien. Ce qui est sûr, c'est que cette opération n'est pas programmée pour 2006. La loi de finances qui entrera en vigueur en janvier prochain prévoit 4,9 milliards de dirhams de recettes issues de la privatisation. Drapor, Comanav et d'autres meubleront le vide en attendant que des méga-opérations mûrissent. D'ores et déjà, des observateurs parient sur la cession d'une partie de la RAM avant 2010, alors que d'autres croient fermement à la privatisation de la nouvelle SODEP, remplaçante de l'ODEP. Et si l'Etat tombait en panne de cash après 2010 ? Il pourrait, selon un haut cadre ayant bénéficié du départ volontaire, mettre la Caisse de dépôt et de gestion (CDG) sur le marché. L'opération est tentante. La Caisse est un mastodonte de la finance, de l'immobilier, du tourisme et surtout de l'aménagement urbanistique. “Mettre 20% de la CDG à la bourse de Casablanca, serait, sans doute, le deuxième meilleur placement à la cote après Maroc Telecom”, affirme notre retraité. Conclusion, il y aura toujours quelque chose à vendre pour assurer des recettes pour le budget. Mais comment cette machine à vendre les joyaux de la couronne a-t-elle été mise en route ?

1983-1993 : L'apprentissage difficile
La privatisation est exactement l'histoire d'un ménage qui a englouti ses revenus et s'est endetté pour garder la tête hors de l'eau. Sauf que la dette continuant à croître, il a fallu se résoudre à vendre les meubles et les biens acquis pendant des années de labeur. A l'image de ce ménage, l'Etat a vendu tout ce qui avait une valeur. Et même les canards boiteux ont été cédés ou offerts. La Banque mondiale a en effet publié en 1987, un rapport alarmant sur la situation économique et sociale du pays. Les privatisations figuraient parmi les recettes-miracles de l'institution internationale. En 1989, Hassan II a fait siennes les recommandations de la BM pour entamer une nouvelle politique : “Il est vrai que l'idée des privatisations vient des instances internationales, mais Hassan II se préparait à l'association de l'USFP au pouvoir. C'était un nouveau départ qui avait besoin de moyens pour être le déclenchement de la modernisation réelle du pays”, raconte un ex-chargé de mission au Palais. Moderniser, peut-être, mais renflouer les caisses de l'Etat, c'était sûr. Les recettes des privatisations sont passées dans le poste “fonctionnement de l'administration”. Certes, les ministres des Finances successifs juraient par tous les dieux que les privatisations servaient (et servent toujours selon Fathallah Oualalou, l'actuel ministre des Finances) à soutenir l'investissement public. Mais il est difficile de croire à cette thèse. Pour preuve, Hassan II a eu le génie de créer le Fonds portant son nom pour mettre “à l'abri” la moitié des recettes des privatisations. Objectif : éviter que ces rentrées d'argent frais ne soient que de vulgaires bouche-trous. En outre, la privatisation n'est pas seulement une histoire de sous. Elle a ouvert la boîte de Pandore. Proches du palais, hommes d'affaires, tous voulaient avoir leur part du gâteau. La nomination au poste de ministre des Privatisations était mise sous contrôle.
Au côté du ministre siégeaient (et siègent toujours), une Commission d'évaluation et une Commission de transfert. Selon le dahir instituant la commission d'évaluation, ses membres sont choisis parmi des notables ayant une compétence reconnue et une expérience dans le domaine des affaires. Les Karim Amrani, Mohamed Amhal, Mohamed Seqat, Driss Slaoui, Moulay Ali Kettani, Abdelmajid Benjelloun et Abdelhadi Tajmouati, formaient donc l'élite qui devait fixer les prix minima. Chemin faisant, la plupart de ces gros bonnets vont s'avérer être juges et parties. Mais dans cette première phase, ces incohérences sont passées sous silence. Restent les procédures.
La Commission de transfert organisait les appels d'offres et étudiait les dossiers des postulants… Mais si le ministre des Privatisations pouvait avoir son mot dans la Commission de transfert, il ne pouvait que se plier devant celle des évaluations. Ce qui explique que le portefeuille des privatisations ne pouvait revenir qu'à des gens ayant des appuis à l'intérieur de la Commission des évaluations. Le premier à avoir eu ce privilège est Moulay Zine Zahidi. Homme du sérail, Zahidi pouvait faire son travail sans pression ni interférence. Malgré cela, son mandat n'a pas connu d'éclat. Entre 1989 et novembre 1993, le gouvernement n'a réussi à placer que six sociétés (SODERS, CHELCO, CTM-LN, PETROM, CIOR et SNEP). Dans le cas de SODERS et CHELCO, les actionnaires étrangers, déjà présents dans le capital, se sont renforcés, conformément au droit de préemption prévu par la loi sur les sociétés. En revanche, la cession de PETROM a connu des rebondissements. La société a été cédée au groupe Bouaida pour 145 millions de dirhams contre 51% du capital. L'opération s'est bien passée jusqu'au moment où l'ONE a décidé, quelque temps après, de ne plus s'approvisionner auprès de PETROM. L'Office représentait plus de 25% du chiffre d'affaires du distributeur des produits pétroliers. En d'autres termes, Bouaida s'est fait avoir dans la valorisation de l'entreprise.
Moins naïf que l'acheteur de PETROM, Miloud Chaâbi a exigé des garanties pour aligner, avec ses associés, un chèque de 364,3 millions de dirhams pour l'acquisition de la SNEP, une société produisant du chlore, de la soude et du PVC. L'homme d'affaires du Gharb a bénéficié d'une protection douanière pour lui inféoder le marché local. D'ailleurs ce régime de faveur perdure au grand dam des producteurs de produits en plastique qui réclament l'abandon des barrières tarifaires conformément aux cahiers des charges de la SNEP.

1993-1998 : la guerre des clans
Novembre 1993, Hassan II change de cap. Il nomme un gouvernement technocrate. Abderrahmane Saâidi, y fait son entrée. Le premier dahir portant sa nomination, lui attribue le grade de ministre délégué auprès du Premier ministre, en charge des privatisations. Cette précision est d'importance. Karim Amrani, alors Premier ministre, voulait mettre ce département sous son contrôle direct. Or, la liste ayant reçu l'aval du roi parlant de ministre plénipotentiaire pour les privatisations, un nouveau dahir corrige l'erreur et Saâidi gagne sa première bataille contre Amrani. Mais, si le nouveau ministre peut se targuer d'être autonome et indépendant de la Primature, il ne pourra pas, en revanche, contredire la Commission d’ évaluation, là où siège toujours Karim Amrani.
Les premières cessions sous l'ère Saâidi touchent les pétrolières récupérées lors de la vague des marocanisations. Shell, Mobil, Total… représentent des cas à part. Et pour cause, l'Etat ne détenant que 50% du capital, donc n'ayant pas de contrôle à vendre, les actionnaires étrangers ont le droit de préemption. Les partenaires étrangers voulaient récupérer le contrôle de leur société, mais à des conditions avantageuses. Or, la Commission d’ évaluation a mis la barre haute. Saâidi réussit quand même à vendre les pétrolières dans les conditions prévues par cette même commission .
Toutefois, malgré son empressement, le nouveau ministre prend du retard face à un Hassan II impatient. La Commission d’ évaluation lui mène la vie dure. L'un de ses membres a même eu l'idée d'adresser une lettre au roi dénonçant “Le manque d'engagement politique” de Saâidi. Hassan II ne peut rater une occasion pareille d' organiser un face à face entre les membres de la Commission d'évaluation et son ministre des Privatisations. De cet affrontement, Sâaidi sort gagnant avec la complicité et la bénédiction du roi. “Hassan II lui a tendu cette perche pour qu'il règle ses comptes avec la troupe à Karim Amrani”, confie un fonctionnaire du ministère des Finances. En tout cas, Sâaidi prend un nouveau départ et entame avec confiance l'une des plus importantes privatisations du pays, celle de la BMCE en l'occurrence.
“La privatisation la plus difficile a été celle de la banque étatique. Le capital était éparpillé et la bataille pour le contrôle faisait rage”, se rappelle un financier de la place. Surtout que la banque mettait en confrontation deux hommes forts du régime, Othmane Benjelloun et Abdelatif Jouahri, l'actuel Wali de Bank Al Maghrib. Ce dernier était le PDG de la banque, mais surtout, l'ami du roi. Benjelloun était actionnaire de la banque et voulait la récupérer totalement. Au moment de la privatisation, Jouahri déclenche une machine infernale pour que la BMCE échappe à Benjelloun. Il s'est présenté à la tête d'un consortium financier comprenant une banque appartenant à l'Etat Libyen. Heureusement pour Saâidi, l'offre du groupe Benjelloun est généreuse, à peu près 200 dirhams par action de plus que le prix minima. Une offre imbattable. Le ministre des Privatisations s'en sort encore une fois sans égratignure. Son deuxième fait d'arme est la cession de la Samir. La Commission d'évaluation avait fixé le prix de la raffinerie à 5 milliards de dirhams, pas un centime de moins. Or, Sâaidi, a reçu deux offres, les deux inférieures au prix minima. Le consortium des distributeurs nationaux offrait 2,5 milliards de dirhams alors que le Saoudien Corral Petroleum proposait une fourchette entre 3 et 4 milliards de dirhams. Rien à faire, la Commission d'évaluation a dit son dernier mot. Hassan II prenant conscience de la complexité de la situation, envoie Driss Basri convaincre le consortium des Marocains de faire un effort sur le prix. Les nationaux ne pouvant pas suivre la valeur fixée, Hassan II se tourne vers ses amis les Saoudiens. La fraternité entre monarchies arabes aidant, les Saoudiens font monter leur offre à 5 milliards et obtiennent la raffinerie sous l'œil médusé de Aziz Akhennouch, l'un des meneurs du consortium national.

1998-2005 : le jeu de risque de l'alternance
Bref, pendant le mandat de Saâidi, pas moins d'une trentaine de sociétés ont été transférées au privé. Aussi, lorsqu' arrive le tour du gouvernement d'alternance, il reste, en nombre, peu de choses à vendre. Mais en valeur, le meilleur reste à venir.
En effet, le gouvernement Youssoufi lance en 1999, le processus de libéralisation des télécoms. Le jackpot ne s'est pas fait attendre. La vente de la deuxième licence GSM rapporte plus de dix milliards de dirhams. Croyant disposer de toute cette manne, le gouvernement se prépare à une année faste. Coup de théâtre, le roi sort l'idée du fonds Hassan II de ses manches. La moitié des recettes des privatisations doit être automatiquement versée au FH II. Bien que la mise en place de ce fonds porte politiquement atteinte au gouvernement, car une bonne partie de la dépense lui échappe, Youssoufi et ses hommes ont su capitaliser sur son utilité. L'heure est à l'optimisme. Pour preuve, le gouvernement se prépare à la plus grande opération de privatisation jamais réalisée au Maroc, celle de Maroc Telecom. Mais avant cela, notons que le gouvernement d'alternance n'a privatisé qu'une dizaine de sociétés. Il a eu la main malheureuse dans les sucreries et il en a tiré une leçon : parfois, il vaut mieux restructurer avant de vendre. C'est ce qu'il appliquera à la lettre dans le cas de la Comanav. Agonisante, la compagnie de transport maritime subit un traitement de choc préparé dans les labos de Mohamed Bousaïd, alors directeur des Etablissements publics. La stratégie porte ses fruits. A fin 2003, on parle déjà d'une valorisation de 1,7 milliard de dirhams pour la Comanav. Le cas de la Régie des Tabacs est également édifiant. La société s'est également transformée à la veille de sa vente. Le secteur du Tabac a connu une mutation fiscale pour plus de visibilité et l'opération a été menée d'une main de maître. “Lorsque les plis ont été ouverts et le gagnant déclaré, tout le monde s'est mis à applaudir, même les perdants. La transparence qui a fortement marqué cette opération était une leçon de procédure jamais vécue au Maroc”, confie un proche de la direction des Etablissements publics. Le résultat est également au rendez-vous : la Régie des Tabacs a drainé plus de 14 milliards de dirhams pour 80% du capital. En revanche, le cas Maroc Telecom restera unique. Financièrement, la vente d'une partie de l'opérateur historique focalise toute l'énergie du gouvernement. Youssoufi et son équipe y jouent leur portefeuille de ministres. Le timing de la vente n'est pas le bon. Les majors des télécoms se cassent les dents sur les places financières internationales. Le peu de liquidité disponible chez les grands opérateurs a été engagé pour l'acquisition des nouvelles licences de troisième génération (UMTS). Maroc Telecom est le dernier de leur souci. Pour preuve, à la veille de la clôture de l'appel d'offres, en novembre 2001, il n'y a qu'un seul postulant, Vivendi Universal. C'est un coup de poker pour Youssoufi et son équipe. Stratégiquement, le gouvernement d'alternance a fait preuve d'amateurisme. Placer Maroc Telecom, une société florissante, une machine à cash infatigable, dans ces conditions extrêmes, est un risque majeur. Mais cela paie : 23 milliards de dirhams pour 35% du capital. “Nous avons reproché au gouvernement de ne pas avoir vendu l'ensemble en un seul coup et profité de la valorisation de l'entreprise”, précise Mustapha Hanine, président de la Commission financière du Parlement. La vente d'une partie a été un test pour le marché mais le secteur des télécoms a subi les conséquences de l'entente avec Vivendi. Fruit du hasard ou exigence de l'opérateur français, 2001 est une année désastreuse pour les télécoms. Le plan de libéralisation a été repoussé et la régulation a pris un sérieux coup. Cela profite à Vivendi qui voit le monopole se proroger au-delà des dates retenues par les instances internationales. En 2004, le secteur sort enfin du tunnel. Mais tout le monde en a gardé une sensation de gâchis.




Leçons. Flops et ratages

Toutes les privatisations n'ont pas réussi. Deux cas historiques en attestent.

C3M (Compagnie arabe de machines outils à métaux) était un rêve industriel destiné à équiper les instituts de formation professionnelle. Après presque cinq ans d'exercice, l'entreprise n'était plus compétitive. A la veille des privatisations, elle était déjà en cessation d'activité depuis plus de trois ans. Le gouvernement a tenté de trouver acquéreur sans résultat.

BNDE (Banque nationale de Développement Economique). Elle affichait une santé de fer au déclenchement des privatisations. Les hésitations et surtout les blocages politiques, len ont retardé la privatisation. Quelques années plus tard elle est déclarée sinistrée. La CDG la récupère pour l'éliminer définitivement.

Deux autres entre- prises ont été privatisées mais l'expérience a tourné court.

SIMEF. L'opération s'était faite au dirham symbolique, avec l'engagement d'investir 22 millions de dirhams et d’apurer un passif de 71,29 millions de dirhams. Ces engagements n'étant pas tenus, le gouvernement a dû reprendre l'affaire par jugement du tribunal. Depuis que l'Etat est l'actionnaire de la société, il n'a pas versé un sou à la CNSS.

ICOZ (Industrie cotonnière d'Oued Zem), a été cédée à un proche du Palais moyennant 10 millions de dirhams. Cette société avait sa gloire derrière elle mais, au moment de sa cession, arrivait difficilement à sortir du rouge. Les acquéreurs avaient un plan de développement, sauf qu'ils se sont avérés mauvais gestionnaires. ICOZ est toujours en vie, mais risque de fermer boutique à tout moment.

Source : direction des établissement et des participations publiques (DEPP)

Les plus grandes opérations
Nom de la société
Montant de la privatisation
Année
SNI
2,1 milliards de dirhams
1994
BMCE
2,5 milliards de dirhams
1994 - 1997
Samir
5 milliards de dirhams
1996
Sonasid
1,2 milliards de dirhams
1996 - 1997
Maroc Telecom
44 milliards de dirhams
2001-2003
Régie des Tabacs
14,08 milliards de dirhams
2003
Les sucreries (4 sociétés)
1,3 milliards de dirhams
2005

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